De l’orme à la Lys…

 

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Au début du VIe siècle, Clovis devint maître de la région. Sous son règne, se développa l’évangélisation avec saint Vaast, evêque d’Arras en l’an 500. saint Amé (+790) concerna plus particulièrement Nieppe puisqu’il fut patron de la paroisse, d’abord seul, puis associé, pour un temps à saint Martin.

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Plusieurs hypothèses ont été avancées à propos de l’origine de Nieppe. Ainsi la légende de l’ermitage, selon laquelle Niepkerke aurait été à l’origine, un ermitage, une hutte de branchages adossée à un bosquet d’ormes pour abriter un ermite…

On a supposé aussi qu’une chapelle avait pu être édifiée dans cette clairière par des immigrants venus de la côte. Peut-être ces deux suppositions n’en forment-elles qu’une seule, nos ancêtres ayant fait halte dans cet endroit sûr, autour de l’ermite qui les y avait précédés…

L’explication la plus simple repose sur la traduction même du premier nom de Nieppe..

D’abord clairière dans cette immense forêt qui s’étendait de l’actuelle forêt de Nieppe jusqu’à Warneton et que l’on désignait sous le nom de N’iepen bosch, la « forêt d’ormes », Niepkerke y fut peut-être l’une des premières paroisses.

La langue flamande traduit par iepe l’orme et kerke l’église. Niepkerke aurait été « l’église de l’orme » ou bien « l’église dans les ormes ».

En ce XIe siècle, plusieurs documents écrits attestent de l’existence de notre cité Le premier document écrit connu qui mentionne Nieppe est une charte notice de 1024.

Tandis que les invasions et les guerres alternaient avec des années de précaire pacification, peu à peu le comté de Flandre se constituait.

En 1071, quelques années de paix venaient de s’écouler quand de nouvelles luttes vinrent ensanglanter le pays. L’un de leurs responsables, Robert le Frison (+1093) entreprit de réparer ses fautes par la fondation de monastères et la construction d’églises.

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Ainsi qu’en atteste la charte de Gérard, évêque de Thérouanne, (deuxième document connu où apparaît le nom de Nieppe), c’est à la fin du XIe siècle – précisément en 1084 – que fut fondé à Nieppe un prieuré bénédictin, placé sous l’autorité directe de l’abbaye de Marmoutier, près de Tours.

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L’histoire du Château commence en 1610 et l’histoire de la ville connaît un tournant en 1678.

La restauration matérielle du pays fut entreprise au début du XVIIe siècle. Une date est importante alors pour notre cité : le 15 mars 1610 où eut lieu la vente de la seigneurie de Nieppe au chanoine Philippe de Vicq, issu de l’antique et noble famille d’Oosthove qui possédait déjà une bonne partie du territoire de Nieppe et convoitait le reste depuis des générations.

Philippe de Vicq entama aussitôt la construction d’un château de style gothique flamand. Dans sa Flandria Illustrata, Sanderus décrit la gentilhommière que messire Philippe de Vicq donna en cadeau de noces à son neveu Roland le 18 mai 1624.

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Ses fondation de grès ont survécu à près de quatre siècles de bouleversements et se mirent encore aujourd’hui dans l’eau de leurs douves.

La restauration du pays allait être de courte durée puisqu’en 1618 débutait une nouvelle guerre, la guerre de Trente ans.

Après des années de luttes, Louis XIV parvenait à ses fins : s’approprier ce riche « pré carré » particulièrement brigué ; plusieurs traités entérinèrent les différentes prises de possession et c’est par celui de Nimègue, signé le 10 août 1678 que entre autres villes et bourgs, Nieppe (châtellenie de Bailleul) devint définitivement française.

Sur l’autre rive de la Lys, Armentières l’était devenue dix ans plus tôt, par le traité d’Aix-la-Chapelle signé en 1668.

La ville change, se transforme, se dote d’équipements, Nieppe tourne le dos au village afin de ressembler à une bourgade.

En 1732, la chaussée empierrée qui traversait le bourg fut « réparée ». En arrivant d’Armentières, le voyageur qui passait la Lys en bac (au lieu-dit le Bac du crocq) empruntait le Vieux chemin et rencontrait le Moulin du gibet.

Non loin, les voies d’église, puis la « vieille » devenue « petite » rue de Bailleul, en longeant la Niepbecke alors à ciel ouvert. La grand-route telle que nous la connaissons est postérieure, cette liaison routière directe Lille – Dunkerque par Armentières, Nieppe et Bailleul, étant mise en service en septembre 1759. Le pont sur la Lys, ou Pont neuf, fut achevé en 1765 ; c’en était fini, provisoirement, du bac et des barques.

Par contre la Niepbecke était encore navigable en 1781 – un mémorable procès de bateliers en atteste – et elle dut encore être utilisée de nombreuses années ensuite.

Artère vitale de Nieppe, de nombreux ponts la surplombaient, et un port avait même été équipé : ses quais se situaient approximativement à l’angle des actuelles place du Général-de-Gaulle et rue du Docteur-Henri-Vanuxeem.

Au milieu du XVIIIe siècle, la commune fit l’acquisition d’un terrain, au « Pont », à l’effet d’y faire bâtir des baraques pour abriter les « étrangers », les mendiants et autres chômeurs.

Est-ce l’origine du quartier du Pont-de-Nieppe ? Non, sans doute : le plan cadastral de 1856 – postérieur d’un siècle – n’y indique encore que de rares constructions, hormis les briqueteries, quelques corps de fermes, et le hameau de la Clef-de-Hollande.

16 mai 1769. Traité dit « des échanges » : la France détache de la province de Flandre-Maritime, pour les céder à Marie-Thérèse, impératrice d’Autriche : Dranoutre, Neuve-Eglise, et 570 mesures de la paroisse de Nieppe.

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Conséquence pour Nieppe : la seigneurie d’Oosthove et son château – qui avait remplacé en 1698 l’ancien château-fort – deviennent autrichiens. Une nouvelle frontière est dessinée : celle d’aujourd’hui. Nieppe en a conservé des preuves matérielles : les bornes frontières. Ces bornes, gravées d’un côté des trois fleurs de lis, armes des rois de France, et de l’autre de l’aigle bicéphale de la couronne impériale d’Autriche, jalonnaient la frontière. Des trois bornes frontière implantées à Nieppe, une seule est encore en place, au coin de la rue d’Oosthove et du chemin Mitoyen.

Celle implantée rue du Sac a été dérobée (en 1990) par de peu scrupuleux amateurs d’antiquités.

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La troisième*, descellée pour les commodités de la circulation, marquait le carrefour formé par ce même chemin Mitoyen et la rue qui mène à la Clef-de-Hollande, (l’actuelle rue du Pavé-Fruit) jadis appelée le « pavé de Monsieur Fruict », du nom de Fruict des Parcqs, seigneur d’Oosthove, qui pour faire plaisir à son épouse, avait fait paver cette partie du « chemin de Lis » qui menait de la grand-route à son château.

* Cette 3e borne a été récupérée pour être exposée au musée d’Histoire locale.

Révolution française à révolution nieppoise, les bouleversements se sont produits dans une moindre mesure, certes, mais que de changements…

Vint la Révolution… Et tout d’abord les « doléances » rédigées le 24 mars 1789.

Parmi les huit requêtes, on note que « la communauté souffre d’être encore imposée pour les terres d’Oosthove… » cédées vingt ans plus tôt (traité de 1769) ; la fiscalité, déjà !

La municipalité fut officiellement élue le 10 février 1790 avec pour premier maire, Jean-Marc Chieus. Mais, l’instauration d’un pouvoir central était fort peu prisée, et ses innovations furent contestées. Cela n’empêchera pas la commune d’être divisée en huit sections dont les noms sont demeurés ceux de quelques-uns de nos lieux-dits : La Lys, Trois Rois, Le Bourg, Halle ô Beau,…

Symbole de l’aristocratie, le Château n’échappa à la destruction que parce qu’il pouvait rendre d’autres services !

Désormais commune du département du Nord (1790), Nieppe accueillit très mal la constitution civile du clergé (1791).

A nouveau la guerre, en 1792. Le 13 novembre 1792, saisie de l’argenterie et du métal précieux de l’église, et… résistance des Nieppois, ce qui amena le commissaire du district d’Hazebrouck à demander que l’on fît preuve de la plus grande sévérité à leur encontre.

Le nouveau régime ne guérit ni la misère, ni la faim. Trois femmes de Nieppe passeront deux décades (soit 20 jours) en prison pour s’être servies en grains dans les réserves que la municipalité a constituées et abritées dans l’église…

En règle générale, les Nieppois ne se montreront pas très « ardents » durant ces années troublées, et la vie continuera bon an mal an.

Une enquête effectuée en 1795 (an III) nous apprend que Nieppe comptait alors 2 637 habitants et que l’on y trouvait : 1 marchand (de bière et de vin) et 10 cabaretiers, 3 brasseurs, 7 épiciers, 3 bouchers, 4 boulangers, et 3 moulins.

1799 voyait enfin le retour des châtelains, les Ghesquière de Stradin, qui retrouvèrent leur manoir trop endommagé pour être réparé.

La période révolutionnaire aura une dernière conséquence : avec le Concordat (1803) Nieppe se trouve désormais placée sous l’autorité spirituelle de l’archevêque de Cambrai.

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La Révolution industrielle accélère la profonde mutation de Nieppe, de même, la révolution dans le monde agricole change les habitudes…

En 1852, le Nord donnait massivement son adhésion au second Empire et allait connaître de nouvelles années de paix ; la Flandre retrouvait son folklore, ses traditions ; les « dédicaces » (ducasses) et kermesses duraient parfois près d’une semaine.

Ceux qui dédaignaient les rires provoqués par le jeu pour le moins naturel des acteurs qui se produisaient au théâtre de l’Hallobeau (surtout à la fin du siècle), avaient tout loisir de se détendre en adhérant à l’une ou l’autre des « sociétés », héritières directes des ghildes ou confréries d’archers, arquebusiers et autres arbalétriers.

On pouvait aussi préférer « consommer » dans les quelque 40 estaminets que comptait alors Nieppe.

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Commune de l’arrondissement d’Hazebrouck, Nieppe était desservie par le chemin de fer depuis 1849, et devenait une vraie ville dont elle n’obtint cependant le titre officiel qu’à la fin du siècle en dépassant les 5 000 habitants.

C’est encore vers 1850 que débuta une révolution agricole qui rationalisait l’exploitation de la terre, mécanisait les matériels, allait jusqu’à transformer les structures architecturales des bâtiments de ferme…

La modernisation et les progrès techniques furent plus flagrants encore pour les ouvriers. Naguère artisanale, la production fut peu à peu regroupée.

Sa concentration, et sa formidable industrialisation se traduisirent par la construction d’usines. Il s’ensuivit une urbanisation poussée, dans les villes surtout.

Les patrons – très souvent d’anciens marchands drapiers ou des ouvriers « ayant fait leur chemin » – faisaient construire des « corons » d’habitations uniformes, contraints, pour conserver le personnel à leur service, de leur assurer le logement.

C’est à cette époque qu’il semble devoir situer la naissance puis l’extension rapide du quartier du Pont-de-Nieppe où il sera décidé, en 1876, d’élever une église placée sous le patronage de Notre-Dame de Bon-Secours.

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1850 toujours : construction de la mairie qui remplaçait la vieille « maison de loy » de 1589 devenue la conciergerie du Château.

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La nouvelle mairie se situait à l’emplacement de l’actuel monument aux morts.

En 1850 enfin, le cimetière qui entourait l’église fut transféré hors du bourg, jusqu’à une pâture achetée par la commune dans la rue de Warneton ; le surnom de « l’pâture Brasme » désigna longtemps le cimetière. En 1866, la Niepbecke était comblée dans sa traversée du bourg à la suite d’une épidémie de choléra qui s’avéra particulièrement meurtrière. Les ponts disparurent. La ville s’acheminait inéluctablement vers sa configuration actuelle.

En 1878, le conseil municipal décidait de ne pas donner suite au projet d’acquisition d’un terrain pour édifier une nouvelle école. Estimait-il suffisantes les écoles publiques existantes ? Toujours est-il que ce furent les châtelains qui offrirent le terrain de la nouvelle école où l’enseignement était dispensé aux jeunes Nieppois par les frères des écoles chrétiennes avant que la laïcisation n’intervînt.

Il existait à cette époque à Nieppe plusieurs briqueteries dont la matière première était fournie sur place par l’argile du sous-sol nieppois, pas moins de sept blanchisseries au bord de la Lys, deux fours à chaux, et trois brasseries qualifiées de « belles ».

Il faut ajouter à cela six moulins à vent produisant de la farine pour toute la région : le plus célèbre, celui dit « du gibet », non loin de l’ancien watermeulen (moulin à eau), le « petit » moulin près de la rivière (subsistent un lieu-dit et une rue de ce nom), le moulin Deschildre ou moulin du Tiers-État qui tournait rue de Bailleul, le moulin du Don, celui de la Warnave ainsi qu’un moulin dit « de fer ».

Nieppe ancien n’existe plus, définitivement démoli , définitivement meurtri.

Tout sera à reconstruire…

Le 3 août 1914, la mobilisation fit quitter leurs foyers à près de 500 jeunes Nieppois.

Les Allemands occupèrent la ville une semaine en octobre 1914, puis d’avril à septembre 1918.

Entre-temps, Nieppe vécut à l’heure anglaise dont est resté le nom de boulevard des Anglais donné au raccourci grâce auquel ils évitaient le bourg devenu trop dangereux.

A deux pas du front, bombardée de jour en jour davantage à partir de 1916, la population était de plus en plus menacée.

Le 10 avril 1918, c’est l’évacuation générale

Octobre 1918 : les premiers à revenir au pays n’en crurent pas leurs yeux ; à part, en campagne, quelques rares bâtiments encore debout mais sérieusement endommagés, rien n’avait été épargné… La ville était rasée.

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Cependant, plus encore que l’amoncellement de briques et la disparition de tous les souvenirs, c’est la fin tragique des 255 Nieppois morts pour la France , et des 53 victimes civiles des bombardements qui était cruellement ressentie.

Ce lourd tribut est rappelé par La Flamande au souvenir : le monument aux morts qui orne notre grand-place est inauguré le 3 juin 1928.

Et la ville sera citée à l’ordre de l’armée, citation comportant l’attribution de la croix de guerre 1914-1918 avec palme